Mireille Flore Chandeup

Témoignage d’un séjour à l’hôpital (1) : le jour où j’ai donné la vie

Ce séjour a duré une semaine. Une semaine de joie et de colère en même temps.  Une semaine pleine de surprises et de découvertes. Une semaine de rencontre avec la vie.

Tout commence 2 semaines avant mon admission à l’hôpital lorsque le médecin m’annonce que je vais devoir subir une césarienne parce que le bébé que je porte en mon sein est très gros. Il fixe alors une date à laquelle je dois venir subir l’intervention chirurgicale. Le bébé décide de venir 5 jours avant. Je perds les eaux à un moment où je m’attendais le moins car j’étais encore à 2 semaines de la date présumée d’accouchement. Je n’avais pas encore réuni la somme d’argent qu’il fallait avancer pour pratiquer la césarienne. Cependant, je ne vais pas rester à la maison avec le liquide amniotique qui me mouille. J’arrive à l’hôpital vers 2 heures du matin ce vendredi là, en appréhendant ce qui allait m’arriver sans un sous en poche.

1ère surprise, 1ère colère : mon mari n’avait aucun sous en poche, pas un seul radis

Lorsque nous arrivons à l’hôpital, les infirmières appellent le médecin qui m’a suivie pendant toute la grossesse. Il n’est pas disponible car il savait qu’il allait s’occuper de moi dans 5 jours, pas maintenant. On appelle un autre médecin qui accepte de prendre mon cas en charge. A son arrivée à l’hôpital vers 6 heures du matin, je lui explique que c’est une césarienne programmée et qu’elle (le médecin en question était une dame) doit régler les détails financiers avec mon époux qui attend sur un banc dans le couloir qui longe la maternité. Lorsqu’elle lui demande s’il a déjà acheté tout le nécessaire pour aller au bloc opératoire, il lui demande s’il faut vraiment opérer.

2ème surprise, 2ème colère  : c’est seulement à cet instant là que mon mari comprend qu’on va vraiment m’opérer

C’est exactement ça les hommes. Un professionnel de la santé te fait savoir que ta femme va devoir subir une césarienne. Tu restes dans ta bulle à espérer un miracle de tes ancêtres, jusqu’au jour où ta femme perd les eaux. Tu n’as pas pris la peine de réunir la somme nécessaire pour pratiquer l’intervention. Et après, tu t’étonnes lorsqu’on te le demande. L’homme d’autrui court de tout son souffle vers la banque, fait le pied de grue jusqu’à 9 heures et effectue un retrait conséquent. Donc, il avait quand-même des économies.

Je suis admise en salle d’opération vers 10 heures ce vendredi là. J’ai l’occasion de vérifier ce qui me semblait jusque là anormal.

Découverte hallucinante : Ce n’est pas que dans « Grey’s Anatomy » que les chirurgiens ont des conversations hors sujet pendant l’intervention

L’anesthésiste avait constaté que j’appréhendais plutôt bien le fait de subir cette intervention chirurgicale et a proposé de me faire une anesthésie locorégionale. Il voulait, m’a-t-il dit tout souriant, me donner la chance de dire comment je me sentais au fur et à mesure que les chirurgiens pratiquaient la césarienne. J’ai alors confirmé que chez les femmes, il n’y a pas de lieu pour le kongossa, comme dans « Grey’s Anatomy ». A peine elle avait saisi le bistouri que la respectable docteur, en complicité avec sa gentille collègue, se lança dans une causerie à couper le souffle.

1- passe-moi le bistouri stp!

2- comme je te disais là, depuis le jour où tu es venue ici avec ta Hummer, elle s’est calmée un peu (je comprends très vite qu’elle parle de leur collègue de service qu’elle juge trop impertinente).

1- elle croyait qu’elle peut se mesurer à moi? elle compte sur son salaire et sa petite clinique de sous quartier et sans patientes, alors que moi, mon mari vend les voitures.  Je peux prendre celle que je veux pour venir ici.

2- elle t’a tellement regardée ce jour-là. Elle était dépassée.

1- (interloquée car elle a sans doute fait un mauvais maniement de la lame), j’ai failli blesser l’enfant-là, tellement il était déjà tout près de la voie de sortie. Heureusement qu’il a beaucoup de cheveux!

(Continuant son kongossa comme-ci de rien n’était) C’est comme ça que quand je travaillais encore à l’hôpital X, j’avais une collègue qui voulait toujours qu’on sache qu’elle est là. Mais je l’ai remise à sa place. Tu sais que quand une collègue fait des bêtises, le jour où elle n’est pas disponible, tu refuses de prendre ses patientes. Comme les femmes enceintes aiment grogner là, on saura qu’elle est absente. Et elle ira s’expliquer devant le directeur de l’hôpital.

(Après une quinzaine de minutes et s’adressant à moi) Félicitations Madame, vous avez fait un beau garçon. Lui avez-vous déjà trouvé un prénom? Si non, je vous suggère de lui donner un prénom biblique car il a échappé au Bistouri grâce à ses cheveux, c’est le miracle de Dieu!

Une trentaine de minutes plus tard et après extraction du placenta et autres manœuvres :

(S’adressant de nouveau à sa collègue) Suturons-là rapidement! Je vais te laisser finir. Je vais aller prendre ma « bière du travail » à son mari dehors.

Et oui, après avoir avancé les frais exigibles pour commencer l’intervention, il faut prévoir la « BIÈRE » du chirurgien

Mon mari fait les 100 pas dans le couloir. La porte du bloc opératoire s’ouvre. Alors qu’il s’attend à me voir sortir sur le brancard, la chirurgienne s’approche de lui, l’air sérieux, tout en retirant son chapeau de service, signe que l’intervention est terminée. Là, c’est lui qui me raconte par la suite. Il voit toute sa vie défiler devant lui en à peine 15 secondes. Il se pose toutes les questions qu’on puisse se poser en pareille circonstance. Surtout, si l’opération s’est bien déroulée, pourquoi la chirurgienne ne sourit-elle pas un peu? L’homme retient son souffle pendant les 15 plus longues secondes de sa vie. Le temps s’est arrêté pour lui. Le pire c’est de pouvoir expliquer à ma famille ce qui s’est passé. Comment va-t-on dire au père de sa femme qu’en lieu et place de la dot tant attendue et de la célébration civile de l’union, on lui ramène le corps de sa fille?

La chirurgienne : où est le mari de la dame qui est au bloc?

Mon mari (s’adressant à ma tante qui attendait avec lui) : maman, va écouter ce qu’elle va dire.

Elle : Non, je veux parler au mari.

Lui : (terrifié, muet comme une carpe et tremblant comme une feuille)

Elle : Tu sais que vous m’avez empêchée d’aller déposer ma fille à l’école le matin? J’ai du accourir ici pour m’occuper de ta femme. Et tu vas voir que je lui ai fait un type d’incision à la une de nos jours. C’est l’incision dite du BIKINI qui ne laisse voir aucune cicatrice sur le ventre. Donc, s’il te plait, donne-moi la bière du travail!

 Le gynéco-obstétricien de votre femme vous joue cette carte. Votre femme est encore au bloc opératoire pour une raison inconnue. A la place de mon mari, que faites-vous ?


Journal d’une mère au foyer

Je sens que j’aurais du commencer par là. Quoi de mieux décrire la journée-type d’une mère au foyer pour commencer un blog qui lui est consacré ?

Je ne sais pas ce qu’il en est pour les mères à l’étranger, mais je sais d’expérience qu’une mère au foyer chez nous ne tient pas de journal. Pour la plupart, elles sont trop épuisées pour le faire. Certaines ne sauraient même pas le faire car elles n’ont pas les outils nécessaires. Elles n’écrivent aucune des langues qu’elles parlent : ni la langue de leurs ancêtres, ni la langue des Blancs. Mais si elles le faisaient, elles noteraient dans le journal, comme tout le monde, ce qu’elles font de leurs journées.

Toutes les phrases d’un journal intime commencent par le mot « aujourd’hui », je crois. Voici à quoi ressemblerait celui d’une mère au foyer qui a eu la chance de passer le cours moyen de 1ère année. Elle y marquerait les moments phares de sa journée.

Aujourd’hui, j’ai encore été violée par mon mari

Les hommes, de retour à la maison, se couchent très tôt, dorment profondément. Ils se réveillent aussi généralement vers 4 heures 30, pris par une violente sensation de fraîcheur qui a le don de les exciter. La femme, quand à elle, se couche plus tard. Cependant, elle est sollicitée par son époux à 4 h 30 du matin pour une partie de jambe en l’air. Trop fatiguée, car n’ayant pas assez dormi, elle est toujours tentée de refuser. Cependant, c’est sans compter sur la robustesse et la pugnacité d’un homme excité. Et hop, un autre viol à mentionner dans le journal intime.

Aujourd’hui, je me suis encore chamaillée avec mon mari à cause de la ration alimentaire

Après avoir fait usage de sa force, le gars lui jette ses 1350 FCFA et lui précise que c’est pour 2 jours, hein. Et re-chamaillerie, re-insultes à gogo, tous les mots possibles, afin qu’il passe la pire journée de sa vie. Elle le maudit et finit en pleurs, comme d’habitude. Mais, elle n’a aucun autre choix : elle a des enfants à nourrir et aucune autre source de revenus. Elle est obligée de les prendre, les 1350 FCFA. Au cas où ça ne suffirait pas, elle peut compter sur autre chose ou quelqu’un d’autre. C’est à chacune de voir.

Aujourd’hui, j’ai encore volé l’oignon au marché

Certaines mères au foyer finissent par se convaincre qu’elles n’ont pas d’autre choix. C’est hallucinant, le nombre de femmes qui se font huer dans les marchés. La kleptomanie n’est pas l’apanage des mères au foyer, mais ces dernières croient avoir des raisons de s’y adonner. D’ailleurs, qui dit que le fait de voler un oignon (qui coûte en moyenne 50 FCFA) au marché relève de la kleptomanie ? J’en ai marre de l’entendre. Le kleptomane subtilise inconsciemment des objets de moindre valeur, des objets qu’il peut s’offrir par lui-même. Les mères au foyer, elles, subtilisent consciemment l’oignon parce que les 1350 FCFA dont elles disposaient ont déjà servi à acheter les autres ingrédients de son repas.

Le soir au coucher, une mère au foyer qui tient un journal intime noterait qu’elle a encore du voler quelque chose, mais demanderait à Dieu de l’aider à mieux faire avec ce qu’elle a. Mama, qui dit qu’il faut à tout prix de l’oignon dans la soupe?

Aujourd’hui, un gars m’a extorqué 10 000 FCFA

Voilà! Elles se disent obligées de voler l’oignon. Cependant, elles donnent volontairement de l’argent aux bons parleurs qu’elles rencontrent sur la route. « Madame, vous avez marché sur du poison. Vous avez besoin d’être lavée et détoxifiée. Je vois que vous n’avez pas assez d’argent. Je vous prendrai juste 15000 FCFA pour le faire. Il en va de votre vie. » Le gars le dit avec tellement de cérémonie et de conviction qu’elle négocie à 10 000 FCFA, revient chercher l’argent sous le matelas, va lui remettre et attend qu’il aille chercher les produits pour la détoxifier. La mère au foyer, prise au piège, s’en rend compte quelques heures après car elle ne le revoit plus. Les escrocs de nos dames utilisent de nombreuses techniques tout aussi différentes qu’efficaces. Malheureusement, certaines dames se font avoir plusieurs fois.

Aujourd’hui, j’ai accidentellement versé de l’eau chaude sur ma fille

Après une matinée tendue à cause de la perte de ses 10 000 francs, elle manque de concentration et oublie que sa fille de 10 mois la suit partout dans la maison. Pour finir, l’eau chaude qui était destinée à la casserole de réserve se retrouve sur la tête de la pauvre petite. Et hop, au dispensaire du quartier.

Les accidents de maison sont très nombreux dans notre environnement. Nos maisons ne sont pas construites avec des dispositifs anti-accidents comme chez les Blancs. Nous, on construit seulement wassa wassa. On laisse tout traîner : de l’eau chaude à l’huile chaude, en passant par les produits ménagers, des petits objets et aliments solides, le pétrole, le gasoil, le ciment, les clous, le couteau, les fourchettes, et j’en passe. Tout est mélangé chez nous. L’enfant joue avec tout à la fois. Lorsqu’un accident survient, on dit que c’est normal que l’enfant se blesse de temps en temps, que ça fait partie de son éducation. Les allées et venues à l’hôpital font partie du quotidien d’une mère. A mentionner le soir au coucher.

Aujourd’hui, j’ai encore mis trop de sel dans le repas

Si une journée commence aussi mal : viol, chamaillerie, vol d’oignon, perte de 10 000 francs, eau chaude sur bébé, c’est clair que le repas sera finalement trop salé. Et papa va râler le soir de retour du boulot, surtout lorsqu’il recevra la visite de la voisine qui vient se plaindre du mauvais comportement de sa femme.

Aujourd’hui, je me suis encore chamaillée avec une voisine

Oui oui, une mère au foyer peut être calme et très enragée quand il le faut. Il n’est surtout pas question de laisser une autre femme se mêler un peu trop de ses affaires. Si tu veux voir de quel bois elle se chauffe, rapporte ce que tu l’as vue faire quelque part. Ses petites manies, celles que tu connais, garde-les pour toi !

Aujourd’hui, mon mari s’est encore mis en colère parce qu’il a trouvé les enfants tous sales

Lui aussi, il rentre à 19 heures. C’est clair que les enfants ne seront pas encore douchés. Entre le petit séjour à l’hôpital avec la dernière, le retour au marché pour remettre 10 000 FCFA à son escroc, le temps d’être huée au marché à cause du vol d’oignon, la petite chamaillerie avec la voisine, la mère au foyer n’a pas eu le temps de les doucher. Messieurs, il faut rentrer au moins à 20 heures si vous voulez trouver vos enfants propres !

D’ailleurs, j’ai vu que chez les Blancs (je veux dire dans leurs émissions), c’est le mari qui rentre le soir doucher les enfants. Dis donc !

Aujourd’hui, Monsieur a encore refusé de manger à cause de l’excès de sel

Oui, ça arrive tout le temps que le sel déborde. C’est le stress et la pression du faire vite. Il faut être clément Monsieur !

Voilà une journée comme les autres, d’où la récurrence du « encore ». C’est ce qui arrive aux mères au foyer pratiquement chaque jour. Il y a des jours un peu plus insolites, avec plusieurs autres événements à noter.

Aujourd’hui,

j’ai reçu une visite de mon beau-frère qui me drague carrément.

J’ai revu un ancien camarade de la classe de 5ème qui m’a avoué qu’il était et est encore amoureux de moi.

Je n’ai pas pu me coiffer les cheveux comme je le souhaitais, faute de moyens suffisants. Je vais devoir encore me coltiner cette tête de vieille fille.

Je n’en ai toujours pas appris davantage sur l’actualité liée au terrorisme, comme je me l’étais promis, pour surprendre mon mari pour une fois.

J’aurai souhaité aller prendre ce pot avec le voisin pour détendre un peu mes nerfs.

J’ai reçu un coup de fil de mon père qui m’a demandé à quand le mariage, vu que je vis le « viens on reste! » depuis 14 ans.

Aujourd’hui, aujourd’hui, aujourd’hui………ouf, le sommeil…


Triste, il était en manque d’amour d’une femme

Triste, oui il était devenu triste. L’amour l’avait quitté et il était redevenu cet homme horrible que j’avais connu. Recroquevillé sur lui-même, il regardait les autres avec condescendance. L’air supérieur et sûr de lui, rattrapant ses frasques avec audace, il avait toujours raison sur tout, jusqu’au jour où j’arrivai dans sa vie. Prête à lui donner raison sur tout pour lui plaire, je tentai de découvrir ce qu’il cachait au fond de lui. Je compris qu’il était juste en manque d’amour, pas d’une mère, ni d’un père, mais d’une femme.
Il avait grandi dans la campagne, où les femmes sont respectables et respectées, où les femmes ne volent pas de branche en branche telles des guenons… où les femmes sont des Femmes. Il y avait connu une femme, une vraie, qui l’aimait comme il était, sans chercher à tout le prix à le changer. Une femme qu’il avait malheureusement perdue. Ne dit-on pas que les bonnes choses ne durent jamais ?
Il s’était ensuite retrouvé dans ce monde dont les lois sont si dures et où les femmes ne jurent que par l’ « intérêt ». Il avait néanmoins choisi de rouvrir son cœur et s’était mis à aimer de nouveau, à m’aimer. Mais moi je l’avais déçu en me laissant malencontreusement aspirée par ce monde de débauche.
J’ai grandi dans ce monde-ci, où tout est calculé. J’ai eu l’habitude des relations de débauche. Je n’avais pas vu que, par mon comportement, je le faisais souffrir. Il avait choisi de me quitter et était alors redevenu triste, affichant malgré lui l’horrible et le pâle visage de la déception et de la solitude. Et il choisit une solution pour fuir définitivement la  souffrance. Non, il n’allait plus jamais souffrir. Il décida de mettre fin à ses jours et de quitter à jamais ce monde qui lui avait retiré ce qu’il avait de plus cher : sa foi. Il avait perdu foi en la vie et en ses bienfaits.
Et maintenant, c’est moi qui suis triste, d’avoir perdu un homme, d’avoir perdu l’homme, le vrai.


Cameroun : les droits successoraux de l’enfant naturel

A la mort d’une personne, l’enfant naturel est souvent victime des conséquences plus ou moins désastreuses des actes de ses parents. Le législateur a essayé de trouver un juste milieu entre l’intérêt de l’enfant et  la réparation d’un potentiel préjudice causé.

Définitions de notions

La filiation naturelle est la transmission de la parenté qui caractérise les enfants nés de parents libres, c’est-à-dire non mariés ni l’un ni l’autre, pouvant donc se marier a posteriori. L’historique de cette construction légale est disponible ICI.

La définition précédente traduit exactement la filiation naturelle dite simple. Il existe des cas où l’un des parents est déjà engagé dans un mariage. On parle de filiation naturelle adultérine. Les droits de l’enfant né dans cette condition sont différents. Il existe aussi des cas où les deux parents de l’enfant sont eux-mêmes proches parents, ceci à un degré proscrit. Sur le plan juridique, les relations intimes sont interdites en deçà du 4ème degré de parenté ou d’alliance. Pour le décompte des degrés de parenté, je vous renvoie ICI. L’alliance c’est le lien qui nous unit à la famille de notre époux. Un degré de parenté entre 2 personnes signifie un degré d’alliance entre l’une des 2 personnes et l’époux de l’autre. Lorsque les parents de l’enfant naturel sont parents ou alliés au 1er, 2ème ou 3ème degré, on parle de filiation naturelle incestueuse. Ce qui emporte des conséquences différentes.

En droit camerounais, les droits successoraux de l’enfant naturel sont réglés par les articles 756 à 765 du code civil napoléonien de 1804 applicable au Cameroun.

Condition légale pour succéder : la reconnaissance de l’enfant

L’enfant naturel ne vient à la succession de ses père et mère que lorsque sa filiation a été légalement établie. Concrètement, il doit avoir été reconnu par le défunt de son vivant. A l’égard de la mère de l’enfant, l’accouchement vaut reconnaissance, tout simplement. A l’égard du père, la reconnaissance passe par une déclaration écrite de celui-ci. Les droits successoraux de l’enfant naturel, par rapport à ceux reconnus à l’enfant légitime, sont très réduits et une distinction doit par ailleurs être faite entre l’enfant naturel simple d’une part et l’enfant naturel adultérin ou incestueux d’autre part.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut noter qu’à l’égard de la mère, l’enfant n’est ni naturel, ni légitime. Il n’est donc pas fait de distinction lors du partage de la succession d’une femme, entre ses enfants, nés dans un mariage ou pas. C’est à l’égard du père que ces notions sont évoquées pour distinguer le fils né de son ou de ses nombreux mariages de celui né en dehors d’un mariage.

La part successorale de l’enfant naturel

L’enfant naturel simple bénéficie, en présence d’enfants légitimes, de la moitié de ce qu’il aurait eu s’il eût été légitime. Ceci signifie que si le défunt laisse 4 enfants légitimes et un enfant naturel, les biens sont répartis en 5 parts égales. Les légitimes recueillent chacun tout d’abord un cinquième des biens. Le cinquième restant est divisé en deux parts égales : la moitié est attribuée à l’enfant naturel et l’autre moitié redistribuée entre les enfants légitimes.  Le calcul serait le même quand bien même on aurait un seul enfant légitime et 10 enfants naturels. L’enfant naturel simple bénéficie des trois quarts de la succession lorsque le défunt ne laisse pas d’autres descendants, mais bien des ascendants, des frères ou sœurs ou des descendants légitimes de ceux-ci. Enfin, il a droit à la totalité des biens lorsque le défunt n’a laissé aucun des héritiers précités. Il ne dispose cependant de droit que sur la succession de ses père et mère, à l’exclusion de tout autre parent.

L’enfant naturel adultérin ou incestueux est frappé d’une incapacité de recevoir à titre gratuit. Il ne peut lui être fait aucune donation entre vifs (de son vivant) ou par testament. La loi ne lui accorde que des aliments sur la succession de son géniteur. Cette prescription légale a été instituée pour décourager d’une part les personnes mariées coupables d’adultère ; d’autre part les mariages au sein de la famille comme dans l’antiquité et le moyen âge. Les dirigeants ont déclaré dès les temps modernes que c’était immoral d’épouser sa nièce. De plus, avec l’évolution de la médecine, on a découvert que certaines maladies osseuses dites orphelines telles que la fibromyalgie et génétiques sont la conséquence du degré très proche de parenté entre les parents de l’enfant. Mais, jusqu’à quel degré donc?

A titre de droit comparé, le code civil français a évolué jusqu’à l’abolition de la distinction entre les enfants légitimes et ceux naturels lors de la détermination des héritiers. L’article 733 du Code civil français, issu de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adul­térins et modernisant diverses dispositions de droit successoral, dispose désormais : « La loi ne distingue pas entre la filiation légitime et la filiation naturelle pour déterminer les parents à succéder ».


Le jour où j’ai décidé d’aller voter

Une mère au foyer trouve toujours des prétextes pour ne pas sortir de la maison, en laissant ses enfants tout seuls. Et même lorsqu’il s’agit de remplir ce devoir citoyen qu’est l’élection, elle préfère souvent trouver une raison pour se défiler, jusqu’au jour où, elle a un soupçon de conscience.

J’avais longtemps pris l’habitude de regarder le processus électoral à la télé, mon bébé dans les bras, un coup d’œil sur ma fille aînée. Je dois rappeler qu’avant de devenir mère au foyer, j’avais souhaité aller aux élections, mais j’étais toujours trop jeune pour y participer. Bien sûr, je ne parle que de ce dont je me souviens hein, les grandes dates.

J’ai longtemps été observatrice avertie

1997 : élections législatives le 17 mai et élection présidentielle le 12 octobre. Je suis âgée de 12 ans et élève en classe de 4ème, je m’estime assez grande pour pouvoir voter. Hélas, il faut attendre 20 ans, la maturité politique au Cameroun.

2004 : élection présidentielle le 11 octobre. Je suis en train d’achever ma préinscription en faculté de Droit à l’université de Douala. Je suis une grande fille désormais. Cependant, je n’ai que 19 ans et je ne peux toujours pas voter.

2011 : élection présidentielle le 9 octobre. Je suis âgée de 26 ans. Je me suis peu à peu remplie d’un sentiment de désintérêt pour la chose publique…Résultat : je ne suis pas allée voter.

Entretemps, je continue de m’informer sur le sujet de l’exercice du droit de vote. Je regarde autant de meetings politiques que possible à la télé, faute de ne pouvoir y assister.

Enfin, je vais voter aux élections

2013 : c’est mon année. Je sens au plus profond de moi que c’est mon année. Il fallait que je donne mon point de vue sur ces élections couplées municipales et législatives du 30 septembre.

Ce matin-là, lorsque je pars de la maison, je suis si déterminée à accomplir mon devoir citoyen que je n’ai pas remarqué que Madame Tchakounté souhaitait compter sur moi pour s’en sortir pendant le processus. Elle m’avait choisie comme son guide, moi l’ancienne intellectuelle désormais au foyer. S’en suit alors une enrichissante conversation sur le chemin du bureau de vote.

Sur le chemin du bureau de vote

 Madame Tchakounté et moi. J’ai essayé de « traduire » pour vous ce qu’elle m’a dit.

  • Elle : Tu sais que je ne sais pas lire, n’est-ce pas ? J’ai assisté à plusieurs meetings de ces candidats en lice. Ils utilisent tous de grands mots qui ne me servent à rien. Je me demande lesquels d’entre eux me donneront la possibilité de continuer de nourrir mes enfants à coup préférentiel. C’est bien que certains d’entre eux aient pensé à nous donner un peu de quoi manger pour nous prouver qu’ils seront de bons travailleurs. Je ne me suis toujours pas décidée, mais je vais choisir parmi ceux qui nous ont distribué du riz, du maquereau, de l’huile et des moustiquaires imprégnées. Dis moi, combien de moustiquaires tu as obtenues en fin de compte ?
  • Moi : J’en ai eu trois. Moi, il y a bien un parti politique qui m’intéresse depuis quelques années, même si les candidats qu’ils présentent ne me semblent pas très sérieux. Tu ne sais pas lire, comment sauras-tu reconnaître le bulletin de vote que tu devras mettre dans l’enveloppe?
  • Elle : Pour cela ne t’inquiètes pas! J’ai quand-même mon coup de cœur. Les militants de ce parti nous ont appris à reconnaître leur bulletin. Il est blanc avec du feu dessus. Grâce à ce parti, j’ai pu nourrir ma famille pendant près de deux semaines.
  • Moi : Si tu connais déjà le choix que tu vas effectuer, pourquoi as-tu besoin de moi aujourd’hui?
  • Elle : Je ne suis jamais allée à l’école. Mes enfants n’y vont pas, faute de moyens financiers. Je ne sais pas où se trouve le collège Marwin, lieu de vote. En plus, j’ai appris que le jour des élections, il y a des forces de l’ordre pour assurer la sécurité. Je voudrais que tu me rassures car j’ai une peur bleue de ces gens-là. Si nous y arrivons ensemble, je me sentirais moins mal.
  • Moi : Ok, ma grande sœur, allons-y !

Devant le bureau de vote

Nous apercevons une longue file d’attente d’une centaine de personnes qui attendent leur tour pour pouvoir voter. Mme Tchakounté s’impatiente et décide de rentrer chez elle. En fin de compte, elle a déjà consommé les dons de son parti coup de cœur. Une voix de moins ne leur enlèvera rien. Et de toute façon, son parti au bulletin blanc avec du feu ne saura pas qu’elle n’a pas voté. Moi, j’attends fermement dans la file d’attente…