Mireille Flore Chandeup

Grossesse, quand tu nous sauves

La grossesse n’est pas facile à supporter. Cependant, elle peut nous tirer de diverses situations ambiguës.

C’est vrai, je dis tout le temps que la grossesse fout les boules. Nausées matinales, pieds enflés, reins en miettes, prise de poids souvent astronomique. Mais, comme tout ça doit durer 9 mois, autant essayer de vivre sa vie et de profiter des avantages que ça peut procurer.

A la banque, lorsque tu trouves un rang kilométrique – chez nous, on ne prend pas forcément rendez-vous comme dans le pays de Benjamin Yobouet hein – tu n’as pas à attendre car on voit clairement que ton ventre te précède. « Madame, venez par ici! Je vous reçois tout de suite. » De quoi faire des jaloux.

A la préfecture, sous un soleil virulent, avec des dizaines de documents à la main, tu peux recevoir la pitié des autres personnes alignées qui te laissent passer devant elles. Une femme enceinte qui ne cède pas à la paresse et continue de résoudre ses problèmes, c’est encourageant.

A la poissonnerie, les gens sont alignés, des assiettes de poisson à la main, attendant de les faire peser pour en payer le prix. Lorsque tu veux te décourager, tu es interpellée par un vendeur qui respecte les consignes du chef. Les femmes enceintes ne doivent jamais attendre dans les rangs.

A la pharmacie, tu es reçue en priorité. Une femme enceinte et malade, vaut mieux pas la faire attendre. On ne veut surtout pas la voir perdre les eaux devant nous.

A l’école, lorsque tu veux rencontrer un directeur, proviseur, principal de l’établissement où vont tes enfants, il te reçoit sans te crier dessus. Faut préciser que chez nous, il n’est pas évident de rencontrer le chef d’un établissement scolaire. Ce dernier préfère éviter les contacts avec les parents d’élèves pour ne pas avoir à répondre à leurs questions sur le coût de plus en plus élevé de la scolarité. Donc, lorsque tu te pointes avec un ventre qui parle pour toi, sa secrétaire sent qu’elle est obligée de t’annoncer et de préciser à son boss : « patron, elle est enceinte hein, humm. »

A la boulangerie, lorsque tu commences à grogner parce tu n’es pas encore servie, tu entends tout juste une voix venant de quelque part : « s’il vous plait, donnez à la femme enceinte là ce qu’elle veut! Ne lui faites pas perdre les eaux ici! »

Lorsque tu portes une lourde charge, dans cette société où les mœurs sont de plus en plus corrompues, tu as au moins la chance d’être soulagée de ta charge, même par un inconnu.

Bref, pendant la grossesse, partout où tu vas, tu as le sentiment de n’entendre que cette phrase : « les femmes enceintes d’abord ».

Cependant, chez le gynéco, tu es obligée de t’aligner comme les autres car tu as en face de toi des femmes enceintes, comme toi.

J’ai tellement profité des états de grossesse que ça me manque des fois. Comme le hasard a fait que j’ai un ventre plutôt volumineux depuis mon dernier accouchement, je n’hésite pas à en profiter, et même à le rappeler à qui fait semblant de ne pas le voir. Partout où il faut attendre que les autres soient servis, je crie haut et fort : « laissez-moi passer! Ne voyez-vous pas que je suis enceinte ? ». Là c’est l’aspect cool de la chose. Ce n’est plus cool du tout lorsque tu tiens ton bébé de 8 mois dans les bras et qu’on te demande comment tu peux déjà être à nouveau enceinte alors que ton bébé est encore si petit. Là, tu comprends que tu as plutôt intérêt à avoir un petit ventre si tu n’es pas enceinte et d’en avoir un bien gros si tu l’es.

 


Je rêve de grandeur

Parmi les rêves que je fais régulièrement, il y a celui-ci : mon mari a 1m80, est très riche et mon fils a 35 ans. Je suis folle hein? c’est pas grave. Je raconte quand-même mon rêve.

Dans la vie, il y a les rêves qui se réalisent et ceux qui ne se réalisent pas. Mon rêve d’avoir un mari qui mesure 1m80 est irréalisable car à son âge, la taille ne peut certainement pas faire un grand bond. C’est possible d’être très riche s’il arrête enfin de faire le sassayé avec l’argent de notre ménage. Le rêve d’avoir un fils de 35 ans est réalisable si j’ai la patience nécessaire. Si j’ai toutes ces visions dans le même rêve c’est que je rêve de grandeur. Ah oui, j’aime voir les choses en grand, dans tous les sens du mot.

Je rêve d’une vie avec un homme d’1m80…

Je vous assure que c’est aussi le rêve d’une bonne partie de la gent féminine. Un homme grand de taille, ça donne l’impression de dominer le monde. On fait des envieux lorsqu’on entre dans une salle de cérémonie. Moi, je suis obligée de me coltiner l’homme de petite taille que j’ai épousé. Je suis coincée dans des ballerines à ne pas vouloir paraître plus grande que lui. « Mais, chérie, pourquoi ne mets-tu pas les chaussures à talons que je t’ai offertes l’autre jour? ». « Non, chéri, j’ai mal à la cheville, je ne pourrai pas supporter les talons ». S’il savait combien je déteste paraître plus grande que lui!

… de surcroît riche

Qui n’aime pas l’argent? Qu’est-ce qui gouverne le monde? Mon homme fait partir d’une catégorie d’hommes qui claquent leur argent dans les jeux de pari. Le pari sportif est son nouveau passe temps. Pendant ce temps, je vais à pied au marché tous les jours. Des fois, lorsque je traverse la route, je risque de me faire écraser par une jolie Toyota Avensis, la voiture de mes rêves. Qui je vois en sortir ? Une voisine mère au foyer comme moi. Elle fait un quart de tour, gare sa voiture aux abords du marché et entre faire ses achats de la semaine. Toute médusée, je regarde ébahie jusqu’à ce qu’elle ressorte, mette ses sacs dans la malle arrière avant de s’installer au volant et de démarrer en trombe. Je l’avoue, j’en suis jalouse. C’est ainsi que toutes les nuits, je suis obligée de rêver que mon homme me sorte de cette galère. Je rêve de goûter tous les plats de nourriture présentés dans les émissions de cuisine comme les émincés de quelque chose… je me refuse de retenir la suite pour ne pas sombrer dans la dépression. Est-ce ma faute?

Je rêve du jour où mon fils sera grand

Pourquoi suis-je pressée? Pourquoi ne pas savourer tous les moments que je passe avec lui dans les bras avant qu’il n’atteigne l’âge de ne plus être porté ? Pourquoi suis-je si pressée de le voir passer par l’adolescence, cet âge où l’enfant devient incontrôlable et se comporte de façon à donner le tournis ? Eh bien, j’ai hâte que quelqu’un me souhaite enfin « bonne fête ». Je ne reçois jamais de joyeux anniversaire, ni de bonne fête de la femme, ni même de bonne fête des mères. Chaque année à l’approche de ces 3 événements, je me dis que ce sera la bonne, que cette année-ci, quelqu’un se souviendra de moi. Mes frères peut-être, mon père ou mon mari! Non, rien, personne. C’est surprenant n’est-ce pas?

La raison n’en est pas que les hommes oublient de souhaiter ces événements, mais qu’ils les souhaitent surtout à une personne particulière : leurs mères. Faut voir sur les réseaux sociaux à quel point les hommes encensent leurs mères à l’occasion de la fête des mères. Maman travaillait dans un boîte de nuit, dormait toute la journée et ne s’est par conséquent pas occupée d’elle-même de ses enfants : maman était une femme extraordinaire, elle s’est battue toute sa vie pour que nous puissions manger et aller à l’école. Maman fouettait si fort qu’on en a encore aujourd’hui des cicatrices sur tout le corps : maman était une femme formidable, elle a tout fait pour que je ne devienne pas un voleur.

A l’occasion des fêtes de la femme dans mon foyer, je faisais souvent ce reproche à mon époux de ne mot dire, sa façon à lui de dire que cette fête n’a de sens que de pousser les femmes à se dévergonder le temps d’une journée avec un uniforme avilissant qui sert seulement les intérêts de la classe dirigeante. Mais un jour de 8 mars, je le surprends entrain de téléphoner à sa mère pour lui souhaiter une bonne fête et lui demander si la robe qu’il lui a fait faire avec le fameux uniforme lui va bien.

Là je me suis dit qu’un jour, mon fils aussi sera grand et enfin je recevrais cette attention que je réclame finalement à tort à mon mari.

Lorsque mon fils sera grand, il me souhaitera un joyeux anniversaire, une bonne fête de la femme, une bonne fête des mères, ……… m’achètera la voiture que je n’arrive pas à obtenir de mon mari et……… me fera manger ces fameux émincés de quelque chose, j’ai oublié la suite.

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Mes profils de marabouts 2.0

J’ai été interpellée par le billet de Christine Djafa. En matière de dérangeurs du net, il y a 2 types de profil que j’ai l’impression de rencontrer tout le temps : celui des dragueurs de l’invisible et celui des fausses filles sympathiques.

Les dragueurs de l’invisible

Ces gars arpentent internet pour traquer les filles naïves en manque d’amour. Leur cible est constituée surtout, c’est mon point de vue hein, de filles nouvellement inscrites sur les réseaux sociaux. J’en rencontre régulièrement sur Facebook, vu que j’ai mis comme photo de profil une vieille photo où je suis toute mignonne et naïve. La plupart du temps, le gars entame la conversation avant même de cliquer sur ta liste d’amis pour voir qu’en réalité, tu n’es pas une petite nouvelle. Ça donne souvent ceci :

-un dragueur : bsr princesse, tu es très jolie, tu me plais bcp.

-moi : bsr   (puis silence!)

-lui : Alllooooo, tu es là? Réponds-moi stp! Je voudrais vraiment faire plus ample connaissance avec toi. Tu as kel âge stp? (Je fais 20 ans sur ma photo de profil hein, souvenez-vous en!) Moi, je suis âgé de 28 ans. Je suis célib. Et je rêve déjà de faire de toi la femme de ma vie.

-moi : tu veux faire d’une inconnue la femme de ta vie? Internet va tt ns montrer finalement. Pr répondre à ta kestion qd même, je suis âgée de 31 ans, je suis mariée et j’ai 2 enfts. En plus, si tu me rencontrais en route, tu ne me reconnaitrais même pas. J’ai kelke kilo de plus ke sur ma photo de profil.

Entretemps, il va faire un tour sur ma liste d’amis et se rend compte que j’en aurai bientôt 5000. Oups, il vient de réaliser qu’il n’a pas affaire à une nouvelle sur facebook.

-lui : Je vois ke tu es encore naïve hein. Keske ça peut faire ke tu sois mariée ou ke je ne te reconnaisse pas si je te vois en route? On te parle de choses de grands, toi tu parles de mariage. Si tu es mariée, keske tu fais sur le net à 2 h du mat? (Mireille d’autrui est entrain de terminer un billet pour Mondoblog). Tu veux me dire ke tu n’as jamais trompé ton mari? Nous n’avons pas besoin de petite fille ici. Vas-t-en stp! Tsuiiiip!

Je ne sais pas pourquoi il se met en colère, ou même s’il est en colère ou il fait semblant, mais ça vaut mieux ainsi. Tsuiiiip aussi!

Les fausses filles sympathiques

Ce sont ces profils avec pour photos des filles hyper canons. On en rencontre de nombreux comme ça avec des photos de nombreuses stars féminines d’Hollywood comme photos de profil. En réalité, ce sont des garçons qui se cachent derrière ces profils. Ils guettent les proies facilement manipulables d’Internet. Ils s’adressent surtout aux filles et commencent par vouloir être leur correspondante et souhaitent des échanges platoniques. La fille du profil réside en Occident. Dès que l’amitié est bien ficelée, elle vous propose des produits en vente qui vous seront livrés sur place au pays par son ami qui est en réalité le gars du profil.

Attendez, ça pourrait donner ceci avec moi :

-la fausse fille sympathique : salut, je suis Natasha L’oiseau, française, 20 ans, en Licence 3 de Droit à L’université de Paris I Panthéon-Sorbonne (les gros noms quoi, dont tu rêves depuis que tu es entrée au lycée). Je voudrais devenir ton amie afin de pouvoir effectuer des échanges dans le cadre de mes études. Enchantée.

-moi : (mon profil affiche une photo de mes 20 ans) Mireille Flore Chandeup, 20 ans, licence 3 de Droit à l’université de Douala. Enchantée aussi.

-elle : waouh! C’est la providence qui m’a guidée vers toi alors…

… après une semaine de correspondance…

-elle : comme je te l’ai dit, si tu as réuni les fonds pr te lancer ds le commerce dè pagnes, j’ai un ami camerounais ki va régulièrement au Bénin. Tu as de la chance kil peut te faire kelke achats là bas pr ke tu puisses faire directement de meilleurs bénéfices. Je te passe son n°, il est actuellement au Bénin mais il est en roaming, çà passe.

Au téléphone avec l’ami camerounais qui se trouve actuellement sur le sol béninois : « oui, Mireille, je suis ravie de faire ta connaissance. Natasha m’a expliqué ton problème. Pour ne pas que je rentre au pays et que tu sois obligée d’attendre mon prochain voyage, tu peux faire un dépôt d’argent dans mon compte dans les livres de Bank of Africa Cameroon. Je retire cet argent dans mon compte dans les livres de la Bank of Africa Benin. Je vais effectuer tes achats et on se voit dans 2 semaines à mon retour… »

Je vous laisse imaginer la suite…  les victimes de ces faux profils sont hélas nombreuses. Tout comme celles de ces autres faux profils qui se font passer pour des membres de gouvernement du pays, les secrétaires particuliers des ministres et assimilés, directeurs généraux, personnes publiques, et bien d’autres.

Maintenant, lorsque je suspecte un de mes correspondants du net d’être un de ces faux profils, je le laisse dévoiler ses cartes et puis, je lui sers le bon vieux discours du croyant :

« Mon frère, j’espère que tu es assis. Si non, assieds-toi et sois prêt car Dieu va te frapper tout de suite. Il te fera prendre quand tu t’y attendras le moins. Marche désormais en regardant autour de toi! Je ne te connais pas, mais Dieu, lui te connait. Il sera sans pardon pour toi. »

Et vous ? Quels sont les profils de marabouts 2.0 sur lesquels vous êtes déjà tombés sur Internet ?

Merci à notre Community Manager, Christine Djafa, allias tata Twitter !

 

 

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Une journée en enfer (2ème partie) : réconciliation avec ma belle-mère

Répudiée par ma belle-famille, bien que athée, je sens qu’il faut faire appel à Dieu pour me tirer d’affaire.

En matière de croyance divine, il existe plusieurs catégories de personnes : ceux qui croient en Dieu et l’affirment haut et fort, ceux qui croient mais n’osent pas le dire parce qu’ils ne respectent aucun précepte biblique, ceux qui ne sont pas sûrs d’avoir besoin de croire en Dieu, ceux qui ne croient pas mais disent le contraire pour ne pas recevoir les foudres de la société, ceux -moins nombreux- qui ne croient pas et le font savoir fermement. Je faisais partir de cette dernière catégorie dite des athées jusqu’à ce je me retrouve dans les griffes de ma belle-famille.

Je me retrouve malgré moi chez ma belle-mère, réunion familiale oblige. Je refuse de m’en aller comme il me l’a été demandé, toujours sans mot dire. Et je me dis que si je me mets au travail tout de suite, on me pardonnera mes erreurs passées. Oui, chez nous, c’est une erreur -et je le comprends tout juste- de croire qu’on peut vivre sans se soucier de la belle-famille et de son influence sur son couple. La belle-famille te pourrit la vie par des rapports, mensonges, techniques avancées de manipulation et autres. Je découvre en prenant de l’âge qu’il vaut mieux faire semblant de se plier à ses volontés pour maintenir son couple dans la stabilité.

Être maman d’un garçon a tout bousculé dans ma tête

maman de garçon, via pixabay.com

En fait, depuis que je suis maman d’un garçon, j’ai beaucoup réfléchi. Le garçon est plus capricieux, t’oblige à prendre plus soin de lui. Il te suit partout où tu te rends, en pleurs. Il ne veut être porté que par sa maman. Un tel attachement rend la mère plus attachée à lui. Le jour de la circoncision, il pleure tellement que toi, maman, tu te demandes : « après tout ça, une arriviste viendra me manquer de respect ? ». Je commence à me poser cette question, en temps que mère. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de me rapprocher de ma belle-mère et de lui faire comprendre peu à peu que je respecte tout ce qu’elle a enduré sur mon mari afin qu’il devienne cet homme que j’aime aujourd’hui.

Ceci dit, face à toutes les attaques verbales de ma belle-famille, je suis muette comme une carpe. Il avait été décidé avant mon arrivée de concocter du kondrè, rôti de plantain très prisé chez nous lors des regroupements de tous genres. Je décide alors de me mettre à éplucher le plantain que j’ai aperçu dans la cuisine. Au bout de trois plantains épluchés, je suis stoppée nette par une série de reproches. Je suis gauchère et je n’avais pas encore eu l’occasion de découvrir que c’était une tare.

« Donc tu es gauchère. C’est un sérieux problème pour l’éducation des enfants. Comment leur feras-tu comprendre qu’il n’est pas bon d’utiliser la main gauche? Les gauchers ne vont pas bien loin dans la vie. Comment peux-tu faire la cuisine de la main gauche ? Comment vas-tu réussir l’assaisonnement du repas de la main gauche ? Ma fille, être gaucher c’est comme être handicapé. Je n’ai jamais souhaité avoir une belle-fille handicapée. Je comprends pourquoi tu te caches depuis tout le temps que tu es mariée à mon fils. »

Je demande pardon à Dieu

amour de Dieu, via youtube.com
amour de Dieu, via youtube.com

Venir invoquer Dieu maintenant est-il mal ? Je me rappelle alors tous les enseignements de mon amie Priscille Seing, témoin de Jéhovah. Elle me dit toujours que Dieu est bon et miséricordieux. Il pardonne à tous ceux qui décident de lui faire confiance maintenant et de remettre en lui leur vie. Pour lui, il n’est jamais trop tard. Devant tous les reproches de ma belle-mère, je décide de m’en remettre à Dieu pour m’aider à lui faire comprendre qu’être gaucher n’est ni une maladie héréditaire, ni un handicap. Dieu me fit avoir une vision lointaine. Je me remémore soudainement des propos de mon mari qui m’a dit il y a 9 ans lorsque Nicolas Sarkozy arrivait à la tête de la France que sa mère était fascinée par ce candidat juste parce qu’il est gaucher et qu’elle était très surprise de voir qu’un gaucher pouvait aller si loin. Et que un an après, elle avait été fascinée par le candidat Obama à la maison blanche parce qu’il était noir et par dessus tout gaucher. Je décide qu’une fois qu’elle serait calmée, je lui en parlerai.

Devant ce reproche d’être une gauchère, je ne dis toujours mot et je continue d’éplucher le plantain. Puis j’entame la cuisson. Pendant que je surveille ma marmite sur le feu, je décide d’aller parler à ma belle-mère. Cette dernière se révéla moins sévère que je ne l’avais toujours pensé.

-Moi : maman, dis-moi! tu connais Nicolas Sarkozy et Barack Obama?

-Elle : bien sûr que oui.

-Moi : tu sais qu’ils sont gauchers n’est-ce pas ?

-Elle : oui oui, je m’en souviens justement

-Moi : Voilà deux gauchers qui sont allés bien loin, maman !

-Elle : Mais, c’est là-bas, aux pays des blancs. Il savent éduquer l’enfant, le guider vers ses désirs et ses souhaits et faire de lui un Président.

-Moi : Et que dis-tu des présidents africains ? Abdoulaye Wade, l’ancien Président du Sénégal, est gaucher…

-Elle : Ma fille, les présidents africains sont des enfants qui ont été élevés dehors, ou qui ont fait des études supérieures dans les pays des blancs. Je te le dis, ma fille, un enfant gaucher n’a aucune chance chez nous. Il subit trop de stigmatisation pour pouvoir élever la réflexion et comprendre de lui-même que ce n’est pas une tare. Avec une maman gauchère, ça n’arrange pas les choses pour lui. Je te le dis, tes parents auraient du t’apprendre à être droitière. Ne permets pas à mes petits enfants d’être gauchers !

A cet instant, je me souviens que le sage est prompt à écouter et lent à réagir. J’estime que c’est Dieu qui m’inspire ainsi hein. Je décide d’acquiescer aux derniers propos de ma belle-mère. Aujourd’hui, de longs mois après cette journée, comme j’aurai aimé lui répondre et lui dire que ma fille aînée est droitière, que je lui apprends tout de même ce qu’est la stigmatisation afin qu’elle considère comme normaux ses camarades de classe gauchers, que mon fils cadet sera peut-être gaucher et que sa sœur aînée sera là pour lui dire qu’il est un enfant normal. Bref,  ce jour de réunion familiale, j’ai préféré me taire pour ne pas être taxée d’intellectuelle d’aujourd’hui qui croit qu’avoir parcouru 100 villages -grâce à Internet hein- vaut un siècle de vie sur terre.

Paroles de sage

A la fin de la journée, après la fameuse réunion familiale et alors que je m’apprêtais à effectuer le chemin du retour, ma belle-mère me prit à part et je l’ écoutai avec attention.

« Ma fille, une belle-mère, ça ne mord pas. C’est naturel chez une mère de vouloir ce qu’il y a de mieux pour son fils. Tu le comprendras lorsque ton fils se mariera. Peut-être que toi -avec le sourire-, tu voudras choisir son épouse pour lui. Ce que je n’ai pas fait. Sois très sage ! J’attendais juste de toi que tu me respectes, me passe le bonjour de temps en temps, que tu me racontes ce que mon fils devient. D’ailleurs, est-il toujours aussi capricieux? Aime-t-il toujours autant le couscous de maïs à la sauce gombo? Aime-t-il toujours manger le torse nu? Comprends-tu ma déception de ne plus pouvoir rien savoir sur mon fils? »

 Que celui qui a des yeux pour lire lise !

Tout le meilleur à toutes les belles-mères !

 

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Un vendeur atypique


Ce vendeur d’insecticides au langage mielleux surfe sur la grande sensibilité des femmes et leur promptitude à effectuer des achats pour se défaire d’un produit sans aucune efficacité, ni utilité.

Il est un rituel (parmi plusieurs) chez une mère au foyer : partir à pieds pour le marché en prenant des chemins des plus tortueux pour éviter de passer trop près d’une voie goudronnée à grande circulation. Natasha fait partie de ces femmes qui passent plusieurs heures de la journée à faire le marché et la cuisine.

C’est un matin de samedi ensoleillé. Lorsque Natasha arrive au marché, elle est si épuisée par ses 45 minutes de marche qu’elle s’assied sur le 1er tabouret qu’elle aperçoit. C’est le tabouret d’une vendeuse de banane plantain qui lui fait aussitôt savoir que ce tabouret est posé là pour celles qui veulent effectuer un achat. Elle acquiesce en hochant simplement la tête. Une fois reposée et alors qu’elle s’apprête à se lever, un homme vient poser une table devant elle. Il pose deux tableaux sur ladite table. Des cadavres de souris secs étaient collés sur l’un des tableaux, tandis qu’une chauve-souris vivante mais affaiblie se débattait sur l’autre tableau…

La vue d’une chauve-souris n’est jamais anodine. Elle annonce toujours un événement lié de très près à la mort. Elle fait partie des animaux porte-malheur à abattre à tout prix. Le vendeur savait que ça drainerait des foules car tout le monde vient faire ses achats pour plusieurs jours, voire pour la semaine. Les questions commencent à fuser dans tous les sens. Le vendeur sourit car il sait que sa cible mort à l’hameçon.

-Natasha : « Est-ce une vraie chauve-souris ? »

-Le vendeur : « Oui ma sœur, c’est une vraie chauve-souris »

-Elle : « Où a-t-elle été arrêtée ? »

-Lui : « Sous le comptoir d’une femme au marché d’Abobo »

-Elle : « Avec quoi l’a-t-on arrêtée ? »

 Elle a posé la question à laquelle toute la mise en scène devait conduire. Nous sommes au marché d’Adjamé, le plus grand marché de notre chère Abidjan. Un marché bouillonnant de femmes frileuses d’histoires saugrenues comme celle de notre vendeur vedette, une chauve-souris qui aurait été arrêtée sous le comptoir d’une vendeuse au marché d’Abobo. Le temps de la vérification, d’Adjamé à Abobo, la manipulation et le mensonge auront porté leurs fruits. En réalité, toutes les dames présentes se sont posées la même question à voix basse : avec quoi a-t-on arrêté la chauve-souris ?

Le public-cible de notre vendeur, les femmes, est prompt à acheter à chaque fois qu’on présente les choses de façon aussi spectaculaire. Devant l’impatience des dames encore plus nombreuses qu’il y a 5 minutes, le vendeur sourit et dévoile sa recette attrape chauves-souris.

« Mesdames, découvrez ici le super produit que je vous propose ce samedi ! C’est un insecticide très puissant. Il élimine cafards, souris, moustiques, abeilles, fourmis. C’est un comprimé qu’il faut écraser avec du hareng saur et le répandre sur une surface définie. Dès que le visiteur indésirable se pose sur ladite surface, il est immobilisé par le produit, exactement comme vous le voyez avec cette chauve-souris. J’ai déjà fait le tour de plusieurs marchés dont celui d’Abobo où j’ai attrapé cette chauve-souris devant des témoins. J’y ai vendu le comprimé à 500 francs, mais je vous le laisse ici à 200 francs car je vois bien que vous êtes plus intéressées que mes acheteuses du marché d’Abobo. Il ne m’en reste plus assez. Dépêchez-vous de prendre votre comprimé avant que je ne sois en rupture de stock ! »

Le vendeur le sait. Les femmes achètent plus lorsqu’elles se savent uniques et privilégiées. Il utilise la bonne ruse du produit moins cher et en rupture de stock. Sa technique marche très bien. Les femmes se ruent sur lui telles des abeilles et le dévalisent de tout son stock. Comme tout bon manipulateur, il sait qu’il doit rapidement lever le camp avant d’être démasqué.

Natasha a acheté quelques comprimés dudit insecticide. Soudain, elle réalise qu’elle a besoin d’informations supplémentaires sur l’utilisation du produit. Doit-on ajouter de l’eau ou quelque chose d’autre au mélange du comprimé et du hareng saur écrasé afin qu’il puisse coller la proie sur le tableau telle la chauve-souris du vendeur ? Si non, le produit a-t-il des propriétés de colle forte ? Hélas, le vendeur est déjà parti chasser ailleurs. Il n’y a plus personne pour répondre aux questions de nos acheteuses excitées. Pauvre chauve-souris sacrifiée pour les besoins de la cause !

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