Mireille Flore Chandeup

Rencontres sur le chemin de l’école au Cameroun

Accompagner son enfant à pieds et jusqu’à sa salle de classe fait partie du quotidien de la mère au foyer, près de 7 mois sur 12. Ce qui au départ est une corvée devient peu à peu une joie grâce aux sourires et aux larmes qu’on rencontre sur le chemin de l’école. Ça devient finalement un moyen parmi plusieurs autres de s’aérer les idées avant de rentrer dans ses casseroles et ses couches.

Au Cameroun, le chemin qui sépare ma résidence de l’établissement scolaire où ma fille de 4 ans est inscrite est long d’à peu près 2 km de bitume délabrée. Afin que le chemin lui paraisse plus court, nous l’abordons en chansons parmi lesquelles le célèbre refrain : « L’école maternelle est une école comme ça. Avant 8 heures, tout le monde est déjà là. Vive l’école maternelle! C’est une école comme ça!« ….. jusqu’à ce que j’arrête subitement de chanter. Un motocycliste, « benskineur » comme on le dit au Cameroun, vient de renverser un jeune écolier et est parti sans se retourner.

Laisser son enfant aller seul à l’école au Cameroun

La première chose que je me demande à l’instant T est : comment peut-on laisser un enfant de 4 ans aller tout seul à l’école ? Puis, je me souviens de ma voisine qui a un enfant de 3 ans en maternelle, un autre de 18 mois qui nécessite toute son attention et, comme si ça ne suffisait pas, un bébé de 2 mois. Où peut-elle dans ces conditions trouver le temps d’accompagner l’enfant jusqu’à l’école à 2 km et à pieds ? Heureusement pour l’enfant accidenté : plus de peur que de mal.

Il poursuit en pleurant le chemin de l’école. Il n’a pas le choix. Retourner à la maison est suicidaire car il est certain d’essuyer une sévère bastonnade et une remontrance à la hauteur de la colère de sa mère. Celle-ci est généralement plus animée par le souci de faire de son fils un homme capable de supporter des douleurs, y compris celle d’un « petit » accident, plutôt que de le protéger en l’accompagnant à l’école.

Des enfants de la maternelle attendent tous seuls l’arrivée de leurs institutrices devant des salles de classe fermées.

Une fillette coincée dans une rigole

Ma fille et moi continuons d’arpenter la route en chantant lorsque nous sommes à nouveau interrompues par les cris d’une écolière qui vient de coincer le pied entre 2 dalles d’une rigole, de quoi mobiliser plusieurs passants. C’est la fille de 7 ans de ma voisine; je suis moralement obligée d’attendre de l’aider. On tente tout, absolument tout. Jusqu’à ce qu’un passant émette l’idée de verser de l’huile d’arachide sur le pied en question, afin de le permettre de glisser et de sortir du trou. L’astuce réussit et par chance, la petite a juste quelques égratignures. Toujours rien de grave.

Nous continuons notre marche jusqu’à commencer à hâter le pas. Nous sommes désormais en retard. Nous rencontrons désormais des personnes qui sont plus pressées les unes que les autres. Une dame attire particulièrement mon attention, et ce, plusieurs fois par semaine. Elle a un nourrisson attaché au dos, monte difficilement la colline qui mène à l’établissement scolaire. Elle traîne littéralement son fils de 4 ans par la peau des fesses pour l’emmener à l’école. Pour satisfaire ma curiosité, elle m’a confié un jour que son fils est très capricieux et cherche toujours une raison pour ne pas aller passer quelques heures loin de sa mère. Lorsqu’il n’est pas malade en simulant une fièvre, il ne veut pas des beignets de farine qu’on lui met dans le sac, ou alors il préfère le biscuit et le bonbon en lieu et place du pain.

Tout le monde est en retard

Lorsqu’on est en retard justement, tout le monde est en retard. La vendeuse de pain accompagné de haricot frit en guise de tartine est aussi en retard dans le service. Elle doit désormais se diviser pour pouvoir servir tous ces parents et élèves qui s’agglutinent devant elle. Un clash éclate alors presque tous les matins devant elle. Entre cette dernière et un élève qui jure lui avoir remis de l’argent et n’avoir pas encore été servi, on ne parvient jamais à connaître le fin mot de l’histoire.

Des enfants déjà en retard pour l’école achètent eux-mêmes leur petit déjeuner chez une vendeuse de pain tartiné de haricot.

Dans cet empressement des dernières minutes avant le début des cours, plusieurs hommes camerounais m’arrachent à coup sûr le sourire. Les hommes qui accompagnent leurs enfants à l’école à pieds ne les laissent pas marcher sur la boue des saisons de pluie ou la poussière des saisons sèches. Ils portent leurs enfants sur leurs cous et bavardent tout au long du chemin. L’enfant ne touche le sol que lorsque l’envie de pisser que l’homme traîne depuis sa maison parce qu’il est déjà en retard le dépasse finalement et le pousse à diriger ses bijoux de famille vers un caniveau et à se soulager fièrement.

Bien que tout le monde se presse, on rencontre aussi des personnes qui n’ont pas l’air d’en avoir conscience, comme cette dame que je trouve pratiquement tous les jours entrain de doucher sa petite fille dans la cour de sa maison. Elle vit à 50 mètres de l’établissement et estime par conséquent ne pas avoir besoin de se presser plus que çà.

Dès que je laisse ma fille sous la surveillance de son institutrice et que je dois retourner m’occuper de ses frères cadets, j’ai plus intérêt à me dépêcher. Cependant, je suis souvent perturbée par ces jeunes hommes aux volants de leurs voitures (on dit chez nous que les femmes sont attirées par l’odeur du carburant). Très perturbée par un journaliste résident dans le coin (il se reconnaîtra à la lecture de ce billet), toujours sapé comme jamais, à qui je jette un regard coupable,qui semble lui dire : « viens et enlève-moi! ». Un regard qu’il me rend volontiers, avec un large sourire. Cet homme que je prie à chaque fois de rencontrer  sur le chemin de l’école.

 

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J’ai un incroyable talent, j’en suis convaincue

« L’Afrique a un incroyable talent » a mis la clé sous le paillasson, et c’est à ce moment que je me souviens que je devais postuler. Pourquoi je n’ai pas postulé en fait? Quel est mon talent?

Une mère au foyer est une adepte de la procrastination. Tous les jours, elle veut faire des choses qu’elle ne fait finalement pas. L’oubli, la fatigue, la paresse, le découragement, ou plutôt le « non encouragement ». Oui, une mère au foyer a besoin qu’on lui rappelle qu’elle a des talents à faire valoir.

Je regarde les talents se dévoiler à la télé depuis quelques années. Je m’étais toujours dit que si jamais une telle aventure arrivait au Cameroun, je serai la 1ère à faire découvrir le talent de chant que je possède.

Depuis petite, mon père m’a toujours dit que je chante bien. A la maison, je cassais les oreilles à tout le monde avec des interprétations personnalisées de mes chansons préférés. Mon père me répétait à chaque fois : « Mireille, c’est que nous sommes en Afrique. Il faut d’abord que je vous trouve de quoi manger. Mais, je te le promets, je t’achèterai une guitare, tôt ou tard. Je te ferai prendre des cours de musique. » Je n’ai jamais eu ma guitare. J’ai continué à fredonner des airs bien connus jusqu’à ce que mon mari repère mon talent : « mais, ma chérie, tu chantes plutôt bien hein. Sais-tu que les gars vont faire l’Afrique a un incroyable talent? Ils vont faire une audition au Cameroun. Il faut qu tu y ailles! Je crois en toi. »

l’équipe de stars du jury de l’Afrique a un incroyable talent, saison 1

Me voilà lancée dans des répétitions solo tard le soir, abandonnant mon mari seul sur notre lit conjugal et coupant le sommeil à mon bailleur qui ne manque pas de me le faire savoir le matin. Me voilà déjà à m’imaginer que j’ai remporté l’Afrique a un incroyable talent. D’ailleurs, dans un de mes rêves à propos, je me vois en Côte d’Ivoire. J’ai rencontré un Ivoirien qui a chamboulé mon cœur. J’ai pris la décision de quitter le Cameroun pour m’installer avec mon nouveau mari… Bref, j’ai pris la grosse tête.

Arrive le jour de l’audition au Cameroun, le trac me submerge complètement. J’ai des idées noires. Je me demande depuis quand chez nous on réussit de telles auditions. Je suis certaine qu’ils vont sélectionner des connaissances à qui ils vont offrir ce voyage en Côte d’Ivoire. Ils connaissent à coup sûr des commerçants qui vont profiter de cette aventure pour aller gratuitement faire des emplettes. Je suis convaincue que les vrais talents seront laissés de côté au profit des personnes cooptées parmi les amis des amis et connaissances camerounais. Finalement, je ne suis pas allée aux auditions.

Pourtant, j’ai un incroyable talent

Je me suis résolue à regarder les prestations à la télé, en compagnie de mon mari. Le soir de la finale de l’émission, je me suis surprise entrain de faire des supputations sur ma non participation à l’aventure.

Moi : « chéri, tu crois que j’aurai pu remporter ce concours de talents et devancer ces acrobates? »

Lui : « oui, mon cœur, je crois vraiment que tu aurais pu gagner et rempoter les 10 millions de FCFA. Nous aurions changé de vie radicalement, tu sais. Ouvrir cette entreprise de prestation de biens et de services qui nous tient tant à cœur aurait désormais été à notre portée ».

Dans ma tête, je me dis : « il pense sereinement que je serais revenue de la Côte d’Ivoire comme j’y suis entrée, c’est-à-dire toujours amoureuse de lui? Avec accent ivoirien là? Nooooon, j’en doute »

Depuis le temps que je lui dis qu’une mère au foyer a besoin d’être galvanisée sans cesse, voire accompagnée. Si elle se sent seule, ne serait-ce une seconde, elle peut passer à côté d’une opportunité.

PS : je n’ai pas participé à « The voice Afrique francophone » non plus.

Je suis certaine d’avoir loupé ma chance. Jugez par vous-même!

 

 

 

 

 

 

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J’ai rencontré des mamans extraordinaires à Madagascar

J’ai récemment eu l’occasion de participer à la formation Mondoblog, du 20 au 25 novembre à Madagascar. Des blogueurs de 16 pays et aux caractères plus trempés les uns que les autres se sont retrouvés et ont eu la chance de se découvrir. Des rencontres formidables. Au fil des échanges, j’ai fait la connaissance de mères formidables, plus amoureuses de leurs familles que moi. Je ne savais pas qu’il était possible d’être encore plus amoureuse de sa famille.

La mère protectrice Bodo Andriamialison


Malgache, résident entre la France et Madagascar, Bodo est une femme forte qui donne l’impression d’avoir besoin de repos, après s’être tant battue pour élever sa progéniture. « C’est mon fils » : m’a-t’elle dit lors de notre tout tout tout tout tout premier échange, pointant du doigt Andriamialy Ranaivoson, mondoblogueur de la 4ème saison. Je me souviens avoir froncé le sourcil en me demandant si c’était possible qu’elle soit la mère de ce bel homme malgache. Eh oui, c’était bien vrai. Elle le faisait savoir haut et fort. Elle le défendait et surtout le protégeait (c’est à cause de telles mamans que les belles filles ne font jamais le poids). Elle commandait pour deux tous les matins lors du petit déjeuner jusqu’au jour où la directrice du café lui fit savoir qu’elle « commandait plus de choses qu’autorisé par Mondoblog ». Alors là, Bodo lui répondit assez fermement, en malagasy, ce qu’elle a bien voulu me traduire par la suite : « madame, je commande pour mon fils et moi tous les matins. Vous avez intérêt à vous y faire, et Mondoblog aussi d’ailleurs. » J’ai souri et me suis dit qu’elle était la candidate parfaite pour ce billet.

J’ai beaucoup parlé de la famille avec Amélie Jacques

blogueuse française résident en Afrique du Sud

Amélie, la pétillante Amélie. Française résident en Afrique du Sud, elle est pleine de vie. Au premier regard, elle m’a dit qu’elle était amoureuse de son fils de 10 mois. Elle m’a confié que lorsqu’elle a appris qu’elle irait à Madagascar pour la mondoformation, elle a demandé si elle pouvait venir avec son fils. Là, je me suis demandé si c’est moi qui n’aime finalement plus autant mes enfants que je ne me le dis. Lorsque j’ai appris que je devrais laisser mes enfants seuls pendant 10 jours, j’ai lâché un gros gros gros gros ouf de soulagement. Je me suis dit qu’enfin, après 4 années sans un seul petit moment pour moi, je vais me retrouver seule à réfléchir sur ma vie et mon avenir. Partir loin de mes enfants m’a fait le plus grand bien et je les ai retrouvés avec beaucoup d’entrain pour la suite. Amélie, par contre, a souhaité venir avec son fils pour ne pas être loin de lui, ne fût-ce pour 10 jours. Alors chapeau, Amélie !

L’adorable Fatim Touré

Elle vient du Burkina Faso mais réside à Madagascar. Fatim n’a pu nous rejoindre qu’à la fin de la formation. Mais le temps passé avec elle m’a fait découvrir une mère fière de l’être. Mère au foyer, elle est ravie d’élever ses enfants en bas âge. J’avais déjà l’impression de la connaître avant de la rencontrer. Dès que j’ai posé les pieds à Madagascar, j’ai commencé à chercher l’auteur de ce billet que j’ai tant aimé, Maman, maman tu sais…?  en me demandant comment je n’y avais pas pensé avant. Fatim a compté pour nous toutes les fois qu’un enfant dit le mot maman en une journée. Etre une mère se vit et se ressent au plus profond de l’être. Cette sensation l’a poussée à nous faire déguster des succulents jus d’oseille et de gingembre comme elle sait les faire.

Le plus triste c’est que je n’aurai jamais assez de mots pour dire toute mon admiration devant ces mères.

Que dire de Aminata Thior?

blogueuse sénégalaise résident en France

 

Discuter avec elle vous amène à comprendre qu’être maman est surtout une force qu’il suffit d’utiliser à bon escient. Elle est pleine de joie de vivre et d’entrain. Ça change de l’image de la mère triste et frustrée.

Chapeau, les mamans !

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Cameroun : voici pourquoi des femmes meurent en donnant la vie

Mourir en donnant la vie n’est pas acceptable. C’est pourquoi au fil des années on multiplie les stratégies pour diminuer la mortalité maternelle, ou tout au moins les causes de ces décès.
La mortalité maternelle se définit comme le décès de la femme qui survient pendant la grossesse, pendant l’accouchement ou les 42 jours qui suivent l’accouchement.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), Chaque jour dans le monde, 830 femmes meurent de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement. Chaque année, ce sont donc près de 303.000 décès maternels qui surviennent en majorité dans les pays en développement.
Au Cameroun, on estime à 800 le nombre de femmes qui meurent en donnant la vie tous les jours.
Il faut comprendre pourquoi ce chiffre est aussi élevé. On en parle constamment, mais qu’en est-il ? Peut-on y apporter des solutions? C’est la problématique des causes de décès évitables et de celles non évitables. Il s’agit surtout à mon avis de nous assurer que les femmes, premières concernées, comprennent ces causes de décès.
Pourquoi des femmes meurent-elles en donnant la vie?

L’hémorragie de la délivrance

C’est la 1ère cause de décès maternel. Il arrive très souvent que pendant la poussée du bébé, l’utérus se disloque et cause une hémorragie à laquelle on ne peut malheureusement pas remédier. La patiente parait en bonne santé. L’instant d’après, elle pâlit et s’évanouit. Il est trop tard. Il n’est pas évident pour une dame qui vient de donner naissance de constater qu’elle saigne plus qu’il ne faut, surtout ci c’est la première fois. Les sages femmes sont censées contrôler le saignement des patientes par une observation régulière des serviettes hygiéniques. Dans notre contexte sociétal fait primer l’argent sur la santé des patients. Il m’est arrivé d’entendre une sage-femme dire à une patiente qu’elle n’avait pas à lui dire de venir voir si elle saigne trop. Les femmes sont là pour accoucher et non pour leur apprendre leur métier. Et lorsque l’irréparable se produit, elles prennent la clé des champs ou appellent la sécurité de l’hôpital pour tenter de museler la famille éplorée.

La grossesse extra utérine

C’est une cause de décès évitable si elle est dépistée à temps. La plupart des grossesses sont intra utérines et le bébé peut arriver à terme. Une grossesse est dite extra utérine lorsque l’œuf fécondé n’est pas allé se nicher sur la paroi utérine et est resté se développer dans les trompes. Selon les organismes, le fœtus peut atteindre 8 semaines et plus avant de s’éclater et causer la mort de la patiente. Il est recommandé de se rendre immédiatement à l’hôpital lorsqu’on constate le retard dans l’apparition des règles. Dès la toute première consultation, le gynécologue ou la sage femme prescrit une échographie pour dater la grossesse et localiser l’embryon. Lorsque ce conseil est suivi à la lettre, une femme peut se rendre compte que la grossesse est extra utérine dès la 4ème semaine de grossesse. Dans ce cas, l’opération est le seul moyen de la tirer d’affaire.

Chez nous, plusieurs femmes se rendent à l’hôpital vers la 20 ème semaine et n’acceptent de passer une échographie que si elles sont certaines que le sexe du bébé peut être vu.
Certaines femmes quant à elles, ne pourraient pas réaliser cette écographie à cause du coût élevé de cet examen qui est en moyenne de 7000 fcfa. C’est-à-dire que, on verse le gel de 50 fcfa sur le bas du ventre, on pose un truc dessus qui filme le bébé. Du coup, ça te coûte 7000 fcfa.

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L’infection généralisée, surtout suite à une césarienne

Les entrailles de la femme, après expulsion du bébé, représentent un champ fertile pour les bactéries et autres microbes. Il peut arriver que le corps s’infecte et s’infeste rapidement au point de causer la mort de la patiente. L’infection généralisée survient le plus après une césarienne. Les bactéries s’invitent dans l’organisme par la plaie cicatricielle. Lorsqu’on se rend compte que le corps est infesté, il est déjà trop tard.
Il est recommandé de faire attention à sa toilette intime après un accouchement par voie basse et de changer son pansement à temps après une césarienne. Parlant justement du pansement de la plaie cicatricielle, j’ai vu des femmes garder un pansement plusieurs jours de plus, faute de moyens pour se le faire faire à nouveau.
Il est dommage que des vies soient risquées à cause du coup jugé élevé des pansements

Hypertension gravidique + protéinurie = éclampsie

C’est une cause de décès considérée chez nous comme des plus mystiques. Ici c’est la combinaison de plusieurs facteurs qui est fatale pour la patiente. L’éclampsie est une crise convulsive généralisée qui survient chez la femme enceinte de 20 semaines et plus, ou chez la femme qui a donné naissance il y a maximum 6 semaines. Elle survient uniquement en cas d’hypertension gravidique, c’est-à-dire liée à la grossesse, et de protéinurie qui signifie présence excessive de protéines (surtout l’albumine) dans l’urine.
L’éclampsie est une cause de décès évitable à 100 pourcents. Cependant, plusieurs femmes font, et même de façon répétée, des crises avant l’accouchement. Ce qui met les vies de la mère et du bébé en danger.
Lors des visites prénatales, les femmes doivent, moyennant des frais variant entre 0 et 1000 fcfa, faire tester leurs urines pour jauger le taux d’albumine présent. Lorsqu’il dépasse le taux acceptable, la femme est prévenue sur le risque qu’elle court et est invitée à ne plus consommer des aliments qui en contiennent tel que le lait ou l’œuf.

L’embolie pulmonaire placentaire

Après un accouchement par voie basse ou par voie haute, ou après une interruption volontaire ou involontaire de grossesse, il peut arriver que des caillots de sang se forment et migrent vers les poumons, causant une détresse respiratoire appelée embolie pulmonaire. La formation des caillots de sang est inévitable, mais la patiente peut être mise à temps sous assistance respiratoire. Dans tous les cas, la mort n’est pas bien loin.

Le refus systématique de la césarienne

Chez nous, certaines femmes meurent aussi parce qu’elles refusent systématiquement d’être opérées. La césarienne est encore considérée par beaucoup comme un piège que nous tend la sorcellerie. Sachons Mesdames que la césarienne est pratiquée pour plusieurs raisons :

1 : la femme présente une DCP (Disproportion Céphalo Pelvienne) communément appelée bassin bas ou rétréci : la femme a des contractions, le col de l’utérus se dilate, mais le bébé ne peut pas passer sans que la femme ne subisse une déchirure d’une dizaine de centimètres.

2 : le bébé se présente mal : il est sur le siège (on voit ses fesses à travers le col dilaté), il présente un seul pied ou un seul bras…

3 : la mère présente une hypertension gravidique, elle court le risque de faire une crise d’éclampsie ou est déjà en pleine crise.

4 : Utérus cicatriciel : la mère a déjà été opérée 2 fois.

5 : le cordon du bébé est enroulé autour de son cou et l’étouffe lorsque la mère tente de l’expulser normalement.

6 : la mère est à quelques semaines de l’accouchement et présente un accès palustre tel que la poursuite de la grossesse pourrait lui être fatale.

Bref, pour une raison ou une autre, et même si on a déjà accouché par voie basse, on peut avoir besoin d’une césarienne. La refuser est alors fatal. Laisser le médecin nous conseiller est le meilleur réflexe qu’on peut avoir devant des situations similaires.

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Le paludisme

Le paludisme chez une femme enceinte est très dangereux. C’est la raison pour laquelle des moustiquaires imprégnées sont distribuées gratuitement, bien que plusieurs estiment se sentir étouffées de dormir sous une moustiquaire. On  administre  également à la femme un TPI (Traitement Préventif Intermittent). Dans tous les hôpitaux, elle reçoit une prise de médicaments contre le palu par trimestre de grossesse, soit 3 prises au cours de la grossesse. C’est un traitement qui est censé être donné gratuitement aux femmes. Cependant, les sages femmes leur demandent parfois la somme de 500 fcfa pour une prise.
L’importance de ce traitement n’est donc plus à relever. Néanmoins, certaines femmes ne le prennent sous le prétexte qu’elles ne supportent pas les comprimés pendant la grossesse. ça les ferait vomir.

A toutes ces causes de décès maternel, on peut ajouter le coût élevé des examens prénataux (7000 fcfa pour une échographie, 5000 fcfa pour la Numération Formule Sanguine qui permet entre autres de savoir si le sang est de nature à se coaguler lentement et de prévoir directement du sang lors de l’accouchement…)

La culture et les superstitions représentent une cause non négligeable de décès maternel. Par exemple, plusieurs femmes se purgeront toujours avec des herbes macérées malgré le contre avis du médecin et sans en maîtriser le dosage. A ce sujet, les leçons prénatales dispensées aux femmes venues se faire consulter sont inefficaces. La plupart des femmes préfèrent les bonnes vieilles méthodes de grand-mère.

En outre, il y a des facteurs qui lorsqu’ils sont à l’origine d’un décès révoltent encore plus. La prise en
charge tardive d’une patiente en besoin urgent de césarienne pour cause d’éclampsie par exemple peut être due à la distance qui sépare les services de maternité et de chirurgie du même hôpital. J’ai pu constater par moi-même dans un de nos hôpitaux que le service de maternité est situé au rez de chaussée et celui de chirurgie au 1er étage. Lorsque des femmes choquent en salle d’accouchement, on perd des minutes précieuses en les emmenant au bloc opératoire située plutôt au-dessus.

Enfin, il y a un facteur non négligeable de décès dont nos sages femmes sont adeptes. Il regroupe amateurisme, paresse, corruption, sadisme et j’en passe. C’est le mauvais relais entre les équipes de sages-femmes ou d’infirmiers. Imaginez-vous un peu être arrivée à la maternité à 6 heures du matin! l’équipe que vous avez trouvée sur place vous a enregistrée. un infirmière vous a fait le toucher, ce fameux toucher que nous détestons tant. Estimant que le travail avance trop lentement, elle a placé un quart de comprimé de Cytotec dans le col de l’utérus pour accélérer le travail. Entretemps, il est 7 h 30, son service de garde est terminé et elle s’en va. Dès que vous sentez enfin que la douleur des contractions vous transpercent le cœur, une autre infirmière se point devant vous et vous pose mille et une questions : « Madame, où est votre carnet? Vous êtes là depuis quelle heure? On vous a fait le toucher? C’est un travail normal ou on a accéléré avec le cytotec? Le gynécologue lui-même vous a vue? Votre tension est même à combien éhhhh? »
Entre temps, votre tension augmente à une vitesse grand V et vous tombez dans les vapes. Elle se met à appeler son prédécesseur pour lui demander où elle a posé votre carnet en partant. Elle lui répond qu’elle a du l’oublier dans la salle de repos où elle rattrapait le sommeil perdu dans la nuit.

La suite de l’histoire, chacun de nous peut l’écrire.

Ce que je retiens :
Il y a des causes de décès maternel liées à la structure hospitalière et à son personnel.
Il y a des causes liées à la femme elle-même et à sa mentalité et ses croyances.
Certaines causes sont évitables, tandis que d’autres ne le sont pas.
Il est nécessaire et vital de conjuguer les efforts pour améliorer les conditions de prise en charge des femmes enceintes et limiter du coup les cas de décès.

Cet article a été rédigé dans le cadre de la campagne #SantePourTous initiée par les blogueurs camerounais.

Découvrez ici les billets des participants à la campagne ayant publié sur le sujet :

VIH SIDA : Comment vivre longtemps avec le virus ?  par Thierry Didier KUICHEU

Les hôpitaux camerounais sont des malades très mal soignés par Fabrice NOUANGA

VIH- SIDA : La nécessaire éducation. par Christian Cédric MBOU

Pourquoi l’argent est-il la priorité dans les hôpitaux au Cameroun ?  par TCHAKOUNTE KEMAYOU

Le médecin n’est pas un faiseur de miracles par FOTSO FONKAM

Pourquoi faut-il intégrer les guérisseurs traditionnels dans le système de santé national ?  par NGNAOUSSI ELONGUE Christianovich

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Comment reconnaître une vraie veuve ?

Dans plusieurs pays du monde, le veuvage est un état que l’on aime (ou que l’on veut) marquer par de nombreux signes. Il est fréquent d’apercevoir dans nos rues des femmes vêtues de couleurs particulières. Au Cameroun, les couleurs bleu et blanc sont celles que les veuves arborent souvent fièrement, souvent par peur du « qu’en dira-t-on ». Eh oui ! « Que va dire ma belle-famille si je ne porte pas le blanc de mon mari ? », me demandait encore une amie dont le mari est décédé à l’âge de 34 ans. Une jeune femme de 31 ans, pleine de vie et obligée d’arborer que du blanc pendant un temps relativement long qui est censé représenter le temps de faire le deuil de l’être cher.

On a d’un côté les femmes dites évoluées, qui suivent l’exemple des femmes occidentales (c’est elles qui le disent). Elles disent aussi qu’elles n’ont besoin de personne à qui dire qu’elles souffrent autant que les autres. Elles disent surtout qu’elles sont des veuves libérées, car elles ne font pas semblant. Elles vivent leur chagrin comme ça vient. On a d’un autre côté les femmes qui respectent les lois sociales et s’habillent fièrement de bleu ou de blanc (c’est au choix) pour crier à tout le monde qu’elles viennent de perdre l’homme aimé. Ce sont des vraies veuves, celles qui, selon nos appréhensions, ont encore la force de respecter la dépouille de leurs maris.

Une vraie veuve  pleure en se roulant par terre

A la mort du mari, la veuve se doit d’offrir en spectacle dans la démonstration de son chagrin. C’est elle qui donne le pouls du deuil. Elle rythme les pleurs de toutes les personnes touchées de très près par la mort du mari. Elle doit pleurer à chaudes larmes et se rouler par terre. Elle doit pleurer de plus belle chaque fois qu’elle voit se pointer des personnes très proches, surtout sa belle-famille. Ainsi, elle envoie la preuve qu’elle aimait sincèrement son époux. On peut le vérifier lors des levées de corps, des veuves qui veulent se jeter sur le corps de leurs maris et le déchiqueter de colère, au sens littéral hein. De plus, et c’est crucial pour faire passer le message, la veuve doit s’asseoir à même le sol jusqu’à l’enterrement de son mari, et souvent plus. Elle ne doit pas changer de vêtement pendant la même période. Elle ne doit pas se laver, ni se déplacer à souhait. Elle s’assied sagement dans un coin du salon et rythme les pleurs. Bon, il faut reconnaître que ces rituels sont moins difficiles à respecter que ceux d’ailleurs. C’est pas comme le Sati pratiqué autrefois chez les hindous de l’Inde. Bref, il faut les respecter si on ne veut pas être taxée de fausse veuve.

Une vraie veuve ne s’occupe pas du sort des biens du couple

La veuve ne doit pas se soucier du sort des biens de son défunt mari. Polygamie ou monogamie, communauté ou séparation des biens, à la mort du mari, tout cela ne doit plus avoir d’importance. La veuve doit restée concentrée sur les pleurs et laisser les questions d’héritage entre les mains de sa belle-famille. Cette dernière décide pour elle comme elle le fait pour les enfants du défunt. La vraie veuve n’aura jamais le courage de solliciter la dissolution de la communauté l’ayant lié à son mari pendant leur mariage. Le sort de tous les biens du couple est remis entre les mains de la belle-famille. Celle-ci se réunit en conseil de famille et désigne les héritiers du défunt, en l’absence de la (des) veuve(s). Dans la plupart des cas donc, le procès-verbal de conseil de famille est soumis au tribunal pour homologation, comme étant la volonté de toute la famille, y compris la veuve car on lui fait apposer sa signature sur le document. C’est ainsi que mon amie de 31 ans s’était retrouvée à la mort de son mari entrain de signer un procès verbal de conseil de famille où il était mentionné que son époux a laissé 2 veuves et 10 enfants, que ceux-ci sont tous cohéritiers de leur père, et que les veuves sont usufruitières de la succession. Ce qui signifie en français d’une mère au foyer que les veuves perçoivent les loyers des maisons laissées par leur mari…..

Mon amie était en réalité la seule épouse de son mari et ils ont eu 4 enfants. Ce qui s’est passé, et ça se passe ainsi lors de ces conseils de famille, c’est que sa belle-famille savait que son défunt mari avait une résidence secondaire et une seconde femme avec qui il a eu 6 enfants.

La vraie veuve accepte les choses telles qu’on les lui présente et ne saisit pas la justice pour réclamer ses droits. D’ailleurs, mon amie était mère au foyer. Allait-elle scier une branche à laquelle elle était suspendue?

Une vraie veuve se soumet volontiers aux rites de veuvage

La femme mariée est considérée comme la propriété de la belle-famille.  A la mort du mari, elle doit subir des rites pour lui permettre de demeurer l’épouse de sa belle-famille. Dans le village Bamena dont je suis originaire, dans l’Ouest Cameroun, elle doit subir le rite du lavage. Amenée dans une rivière dans le village, debout les jambes écartées, elle doit tenir une poule qu’elle jette dans l’eau devant elle, dans l’espoir que la bête nage et vienne passer entre ses jambes. Si c’est le cas, on conclut que la veuve est lavée de tout soupçon et qu’elle peut avoir un autre mari parmi les frères du défunt. On dit alors que son beau frère l’a « lavée ». Dans le cas contraire, elle est répudiée, à défaut d’être lapidée comme c’était le cas auparavant. Une femme qui veut refaire sa vie ailleurs peut très bien se dire qu’elle n’a pas besoin d’un tel rite et qu’elle n’a rien à prouver. Cependant, je suis toujours ébahie par le nombre de femmes qui demandent elles-même à prouver leur innocence dans la mort de leurs maris. Je parle ici de mort mystique bien sûr, parce qu’on meurt toujours pour une raison surnaturelle.

Les mères au foyer acceptent volontiers cette façon de pratiquer le lévirat car c’est un moyen sûr de continuer  d’élever leurs enfants. Certaines ont même déjà, du vivant de leurs maris, leur préférence parmi les frères de celui-ci. Je les entends dire souvent dans leurs kongossas : «ma copine, mon beau-frère ci est gentil jusqu’àààààà. Au nom de Dieu, à la mort de mon mari, c’est lui qui va me « laver »».

Une vraie veuve  porte du bleu ou du blanc

Le jour de la levée de corps du mari, la veuve est vêtue de blanc par la belle-famille. Il faut absolument qu’elle soit reconnaissable parmi toutes les conquêtes de l’homme d’autrui. «Voilà la veuve», dit-on dès qu’on l’aperçoit. «Elle ne pleure même pas hein», disent certains. Pourquoi en fait le choix du blanc?  Primo, il faut marquer le choc émotionnel par cette couleur vive. Secundo, il faut qu’on voit que le vêtement se salit car la vraie veuve va forcément se rouler par terre. Elle arbore cette couleur jusqu’à l’enterrement. Après, elle continue de se vêtir de cette couleur spécifique pendant une période déterminée par la belle-famille, période jugée suffisante pour faire le deuil de son mari. Cependant, la veuve qui ne se sent pas capable d’entretenir une couleur aussi difficile peut se vêtir de bleu. A la fin de cette période de deuil qui peut dépasser un an, on organise une cérémonie pour annoncer à toutes les connaissances qu’on cesse de porter du bleu ou du blanc.

Par ailleurs, une veuve ne doit surtout pas se vêtir de pantalons. C’est un affront à la mémoire de son mari. C’est dire : «je suis libre et à nouveau sur le marché». Pas la peine d’ailleurs. La vraie veuve est déjà l’épouse du frère choisi pour elle. Attention, il ne s’agit pas de célébrer une autre union civile avec le beau-frère hein. On considère seulement que c’est une suite, relativement à la dot versée par le mari défunt lors du mariage. Autrement dit, doter une femme équivaut pour sa belle-famille à l’avoir pour toujours.

Une vraie veuve ne sera jamais suspectée d’avoir « tué » son mari pour devenir une veuve joyeuse

Etant donné qu’on meurt généralement pour une raison mystique, la veuve est toujours la première  suspecte de la mort de son mari. En fonction de son comportement du vivant de celui-ci et après sa mort, la belle-famille peut la « récompenser » par un « lavage » par un frère du défunt. Une amie dès la mort de son mari s’était précipitée dans leur demeure de Kye-Ossi, dans le Sud Cameroun, pour récupérer les titres fonciers de tous les immeubles du couple. Du coup, sa belle-famille a tenté de la forcer à manger le corps de son mari, au sens littéral. Il a fallu une intervention de la police pour la sécuriser pendant toute la cérémonie d’enterrement. Elle a fait le choix de vivre avec l’étiquette de « veuve joyeuse ». Des cas comme celui-ci sont très nombreux.

Pour une mère au foyer par contre, il est crucial de toujours respecter la belle-famille. Dans ses calculs, elle se demande toujours : «qui d’autre va accepter de s’occuper de mes enfants?».

Ahhhh, nos chers veuves, on a fini par leur consacrer une journée internationale (le 23 juin), sans doute pour magnifier tous ces calculs qui filent la migraine.