Valérie face à la pression de l’enfantement

Article : Valérie face à la pression de l’enfantement
Crédit:
19 juillet 2017

Valérie face à la pression de l’enfantement

Lorsque donner naissance est une « obligation morale » pour toutes les femmes, que ne feraient-elles pas pour avoir un bébé ?

Une société focus sur l’accouchement

Dans les sociétés africaines, la femme est considérée comme une « donneuse de naissance » automatique, à un tel point que celle qui n’a pas d’enfant est vue comme une moins que femme. Mariée, la femme doit enfanter ; sinon elle est répudiée par son époux. Une femme chanceuse devra juste supporter d’avoir une coépouse qui fera des bébés à sa place, pour le grand bonheur de leur époux commun. Célibataire, on vous juge sur la base de votre âge apparent. « Elle est déjà quand-même vieille hein ! Il faut qu’elle accouche, même si elle n’est pas mariée ! »

Une grosse pression psychologique

Selon le moral de chaque femme, la pression sociale est ressentie et vécue différemment. Les plus fortes se disent : « je me fous de ce que les gens peuvent penser. Ca ne regarde que moi de toutes les façons. » Les moins fortes ont de la peine à lever la tête lorsqu’elles sortent de leurs maisons. Elles se demandent constamment comment faire pour enfin faire plaisir à la société. Elles s’inventent régulièrement des fausses couches ou des maladies incurables qui les empêcheraient de tomber enceintes. Les femmes faibles sont plus affectées. Elles développent des grossesses nerveuses et perturbent leur système hormonal de façon assez spectaculaire. Les plus faibles finissent par craquer et  avoir un comportement démoniaque. Elles feignent une grossesse jusqu’au bout et sont prises au piège à la fin. C’est le cas de Valérie, la trentaine.

La réaction de Valérie face à la pression sociale

Valérie (j’ai gardé son prénom pour compatir à sa situation) est une femme de 34 ans que je connais depuis 2 ans. Elle aménage près de chez moi en 2015 avec son époux et leurs deux enfants de 14 et 12 ans. Elle était enceinte et brillait des milles feux. Je me souviens que nous autres voisines commères nous demandâmes comment on pouvait être aussi jolie avec une grossesse. Elle était forte, marchait très vite et ne transpirait jamais. Quelques mois plus tard, en 2016, son ventre avait disparu et elle nous a dit qu’elle avait donné naissance à un mort-né. Nous fumes tristes pour elle, mais très vite rassurées car elle ne tarda pas à tomber enceinte à nouveau. En dehors du ventre qui grossissait au fil des mois, elle ne présentait toujours aucun autre symptôme fréquent de grossesse : fatigue, chaleur intense. « C’est ma troisième grossesse et c’est toujours pareil. Je me sens toujours en pleine forme jusqu’à la fin. J’ai juste la malchance. J’accouche, l’enfant meurt à chaque fois », m’avait-elle confié un jour.

Vînt alors le moment de l’accouchement. Plusieurs mois se sont écoulés depuis qu’elle feint la grossesse. Elle décide d’aller chez sa sœur ainée pour le reste de la grossesse et l’accouchement. Son époux acquiesce, sans se douter une seule seconde de ce qu’elle avait planifié. Une fois chez la sœur, celle-ci découvre qu’il n’ya pas de grossesse et qu’à la place, sa sœur cadette porte une prothèse tous les jours. Elle la menace de tout révéler à son époux si elle ne le fait pas elle-même.

L’heure des révélations

Prise au piège, elle doit tout révéler à sa famille. Ce qu’elle déclare est à peine imaginable pour un esprit normal. Seuls les esprits tordus comme le mien avaient compris depuis belle lurette que Valérie était devenue psychologiquement instable à cause de la pression de la société.

« Je suis désolée, chéri. J’avais peur que tu me quittes pour une autre femme qui te fera des enfants. Je n’ai jamais été enceinte. A chaque fois, je faisais semblant afin que tu crois que j’ai quand-même des chances de devenir maman. Je faisais tout pour que mes accouchements coïncident avec tes déplacements d’affaires pour pouvoir  me débarrasser aisément de mon faux ventre et préparer mes larmes pour t’annoncer que notre bébé est mort. Je jouais à la fatiguée tous les soirs pour refuser de faire l’amour. Je ne me déshabillais et ne m’habillais qu’à la douche pour que tu ne me vois pas nue et ne comprennes tout de suite que je ne suis pas enceinte. »

Une interrogation subsiste : quel était le but final de toutes ces manigances ?

Valérie avait véritablement l’intention de ramener un bébé à la maison. A la fin de ses grossesses, elle rodait autour des maternités dans l’objectif de voler un nouveau-né qu’elle allait faire passer pour le sien. Ce n’est pas si compliqué, pensait-elle. On voit souvent des bébés laissés seuls sur les lits, tandis que les mamans prennent leur douche ou raccompagnent des visiteurs. Par chance, elle n’avait jamais réussi à voler un bébé et déclarait donc que le sien est décédé.

Le véritable fautif : l’époux de Valérie

Comment peut-on feindre 3 grossesses jusqu’au bout ? Comment peut-on ne pas voir la souffrance psychologique de son épouse ? Je découvre en même temps que les deux enfants du couple sont ceux de l’époux nés d’une précédente relation. Valérie voulait lui donner aussi des enfants pour avoir dans son cœur la même place que la mère de ses enfants. Oui, plusieurs hommes accordent tellement d’importance à la mère de leurs enfants qu’il peut arriver que leurs épouses se sentent rabaissées et menacées, pire si elles n’ont pas d’enfants elles-mêmes. La faiblesse pousse alors des épouses à éliminer les enfants de l’époux pour rompre le lien avec la mère de ses enfants. Nul ne peut deviner qu’elle aurait été l’étape suivante si Valérie n’avait pas été démasquée ?

Pardonner ou pas à Valérie ?

Elle a besoin de soutien plus qu’autre chose. Au lieu de se mettre dans une colère noire, son époux doit lui faire comprendre qu’il est heureux avec elle, si c’est le cas. Donner naissance n’est pas une nécessité vitale. On doit se battre pour y parvenir, mais être capable d’accepter de ne pas y parvenir en fin de compte. Le soutien moral de l’époux compte pour beaucoup dans la façon de ressentir et de vivre la pression que la société met aux femmes. Des Valérie, il en existe partout, peut-être près de chacun de nous et qui élèvent des enfants qu’on croit être les leurs.

 

Partagez

Commentaires

Ianjatiana
Répondre

:/ c'est triste...tant de détresse à cacher et à surmonter seule!

Mireille Flore Chandeup
Répondre

Ah oui Ianjatiana, depuis là, elle n'est pas revenue chez elle. Elle a peur du regard et du qu'en dira-t-on.

Sophie
Répondre

C'est triste de devoir en arriver là pour plaire et se conformer à ce que les autres attendent de soi. Et heureusement qu'elle n'est pas arrivée à voler le bébé d'une autre! Mais aussi triste que cela puisse paraître, j'admire quand même cette Valérie. Toute cette ingéniosité!!!!

Mireille Flore Chandeup
Répondre

Merci Sophie de nous faire part de ton ressenti!

Passibel
Répondre

C'est malheureux que la société nous resume à l'enfantement